Contrôle légal : articulation d'actions en relèvement et en responsabilité
Le relèvement des fonctions de commissaire aux comptes suppose rapportée la preuve que celui-ci a commis des fautes suffisamment graves.
Ne constitue pas un empêchement justifiant le relèvement d’un commissaire aux comptes la seule introduction d’une action en responsabilité contre lui.
Cass. com., 24 janv. 2024, no 22-12340, F–B
1. À la question, ancienne et longtemps débattue, « convient-il de distinguer entre la faute source de responsabilité civile pour les commissaires aux comptes et la faute cause du relèvement de leurs fonctions de contrôle légal ? », la chambre commerciale apporte, par l’arrêt commenté1, une réponse qui ne manquera pas de satisfaire les partisans d’une différence de degré, voire d’une distinction de nature des fautes.
2. Répondant ensuite à l’argument tiré d’une concomitance d’actions en relèvement et en responsabilité formées contre les mêmes contrôleurs légaux, la Cour juge que la seule introduction de la seconde action ne saurait constituer un empêchement fondant le prononcé du relèvement sollicité par la première. Appuyé sur la situation conflictuelle générée par la simultanéité des deux actions et sur le risque qu’elles créeraient d’une atteinte au secret professionnel auquel sont tenus les commissaires aux comptes, l’argument n’était pourtant pas négligeable ; mais il n’aurait pas été suffisamment étayé de preuves, devant[...]
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V. égal. sous cet arrêt, D. 2024, p. 167.
Sur la liberté qui en résulterait d’associer ou d’enchaîner action en responsabilité et action en relèvement à l’encontre d’un commissaire aux comptes sur le fondement d’une faute professionnelle que celui-ci aurait commise, v. par ex., CA Bordeaux, 4 nov. 1997 : Bull. CNCC juin 1998, n° 110, p. 203, note P. Merle.
Celle du professeur Dominique Vidal, dès sa thèse Le commissaire aux comptes dans la société anonyme (Évolution du contrôle légal, aspects théoriques et pratiques), préf. J.-P. Sortais, 1985, LGDJ, spéc. n° 353. Cette opinion a été ultérieurement développée et affinée par une contribution spécifique à la question (v. D. Vidal, « Mauvaise foi ou inaptitude du commissaire aux comptes relevé de ses fonctions ? », in Mélanges offerts à M. Cabrillac, 2000, Dalloz-Litec, p. 645).
V. par ex., CA Rouen, 26 juin 1997 : Bull. CNCC déc. 1997, n° 108, p. 522, obs. P. Merle – CA Versailles, 2 mai 2002 : Bull. CNCC juin 2002, n° 126, p. 225, note P. Merle – CA Limoges, 6 oct. 2005, n° 05/00594 : BJS avr. 2006, n° 92, p. 461, note A.-F. Bouvier et F. Pouch – CA Versailles, 17 nov. 2011 : Bull. CNCC mars 2012, n° 165, p. 128, note P. Merle. V. également, faisant état d’un « ensemble de fautes graves » justifiant le relèvement, CA Paris, 13 sept. 2012, n° 12/07702 : Dr. sociétés 2013, comm. 31, obs. M. R.
T. com. Valenciennes, 8 oct. 2013 : Bull. CNCC déc. 2013, n° 172, p. 627, note approb. P. Merle.
En ce sens, D. Vidal, note ss Cass. com., 6 févr. 1990, n° 88-15536 : Rev. sociétés 1990, p. 433, spéc. p. 437, n° 4.
V. par ex., T. com. Blois, 11 déc. 2015 : Bull. CNCC juin 2016, n° 182, p. 377, note P. Merle.
V. jurisprudence citée in Responsabilité civile des commissaires aux comptes, 2023, Francis Lefebvre, Thèmexpress, spéc. n° 65.
V. not., T. com. Grenoble, 7 mars 2014 : Bull. CNCC sept. 2014, n° 175, p. 379, note P. Merle.
L’atteinte à la probité et à la compétence qui résulterait d’une procédure abusive justifierait l’allocation – censée être dissuasive d’une action inconsidérée en relèvement – d’importants dommages et intérêts par les juges du fond (T. com. Blois, 11 déc. 2015 : Bull. CNCC juin 2016, n° 182, p. 377, note P. Merle – T. com. Grenoble, 7 mars 2014 : Bull. CNCC sept. 2014, n° 175, p. 379, note P. Merle).
Si elle était caractérisée, une telle stratégie pourrait conduire le demandeur à une incrimination pour délit d’entrave à l’exercice des fonctions de contrôleur légal (v. not., Cass. crim., 12 sept. 2001, n° 00-86493 : Bull. crim., n° 177 ; BJS janv. 2002, n° 3, p. 35, note J.-F. Barbièri – Cass. crim., 9 mars 2011, n° 10-83048 : Bull. CNCC juin 2011, n° 162, p. 248).
Sur la production du dossier professionnel en justice, v. récemment CA Bordeaux, 2 nov. 2023, n° 22/05477 : BJS févr. 2024, n° BJS202q3, note J.-F. Barbièri.
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